Hier, c'était ma deuxième chirurgie de Mohs. Ma quatrième intervention depuis ce temps-là. J'ai eu la même procédure que le 14 décembre 2012 mais je partais pas mal plus confiante que la dernière fois. Le premier Mohs était pour le cancer du nez et après m'être tappée un lambeau frontal pendant 7 semaines, y'a pu grand chose qui me fait peur. Le médecin me l'a dit, ça va être une affaire de rien, c'est tout petit et pas profond ce cancer-là.
Je pensais que je faisais une plaque d'eczéma. À ma première rencontre, le dermato n'a même pas vu cette lésion en examinant mon nez. À la 2e rencontre, je lui ai dis que je voulais qu'il regarde ça. Il m'a dit que c'était une kératose actinique, que ce n'est pas cancéreux et que ça peut avec le temps le devenir. En fait il m'a dit que j'avais 10% des chances que ça se cancérise. À ma 3e rencontre, mon mini-bobo avait saigné pour la première fois alors j'en ai fait part au dermato. Il m'a conseillé de traiter la vilaine avec une crème qu'on prescrit pour les lésions pré-cancéreuse. Je lui ai alors demandé " est-ce que ça ne vaudrait pas la peine de faire une biopsie puisque je viens tout juste d'en passer une pour le nez et que je vais voir une chirurgienne...". Il m'a dit que c'est ce qui serait le mieux et qu'il hésitait dans sa tête entre la crème et la biopsie.
Vous connaissez la suite ... Je me suis levée à 5h du matin pour mon rendez-vous de 7h30 à l'hôpital Juif de Montréal. Un p'tit rappel sur la technique de chirurgie de Mohs : Je me rends dans la salle d'opération, je m'étends sous les spots ( j'ai eu le temps de les compter, il y en a 72) et on place le champ stérile tout autour de moi. Mes bras sont emprisonnés en-dessous donc faut pas bouger. La chirurgienne commence par faire de multiples injections pour geler toute la région. Elle coupe ensuite la partie visible du cancer et envoie le tout à la congélation express. Quand c'est congelé, un spécialiste reçoit cette partie de peau-là et l'analyse sous microscope afin de s'assurer qu'il ne reste pas de cellules cancreuses tout autour. Le but : que de tous les bords et tous les côtés, dans le haut comme dans le bas, soient sans aucune trace de cancer. Objectif zéro vilaine cellule.
La chirurgienne me dit avoir bon espoir que tout soit enlevé du premier coup. Donc je retourne m'asseoir avec mon chum pour environ 1 heure dans la salle d'attente. J'espère ne pas avoir de 2e tour, que ça s'arrête ici au premier.
1 heure plus tard, l'infirmière vient me chercher. La chirurgienne me dit ne pas avoir de bonnes nouvelles. Elle est vraiment surprise car elle n'a retiré que 25% du cancer. Le carcinome dont je suis atteinte s'est faufilé en-dessous de la peau et ce qui paraît à l'extérieur n'est que la pointe de l'iceberg. On commence donc la technique pour un deuxième tour ... Je suis découragée. Elle doit couper vers le front qui n'a plus son élasticité car, lors de l'opération avec lambeau, on a déjà pris la peau du front pour refaire mon nez et recousu le tout en rapprochant les 2 côtés de la peau du front pour les coudre ensemble. Ça devient comme impossible de refaire des points de suture sur le front, ma peau ne s'étire plus. Et je trouve qu'elle s'approche de mon oeil. Là je commence à trouver ça pas drôle du tout. Quand la chirurgienne te dit qu'elle va y aller très lentement pour s'assurer d'enlever le moins possible, c'est pas super encourageant. Une fois le prélèvement terminé, j'enlève mon ridicule bonnet bleu qui retient tant bien que mal mes cheveux ! Et on recommence l'attente pour le troisième tour.
J'attends, j'attends, J'attends ... je suis rendue tellement bonne là-dedans !
Bon la chirugienne veut me revoir ... mon coeur arrête de battre ... svp svp svp ... faites que ce soit terminé, que tout est beau, je promets de ne plus dire de gros mots, de faire du bénévolats, d'être plus patiente avec les enfants, de finir mon ménage de sacoches ...
Re-re-mauvaise nouvelle. On doit refaire à nouveau la technique. Je mets mon bonnet bleu, mes bras sous le drap vert, la valse des injections commencent puis on me découpe ... je me sens comme un quartier de boeuf chez le boucher. La chirurgienne me dit qu'à partir du quatrième tour, elle va enlevé 1 millimètre à la fois. Je retourne pas mal moins joyeuse dans la salle d'attente. Encore 1 heure pour avoir le verdict. J'me sens comme un condamnée qui attend sa sentence... j'attends que le juge m'appelle dans la salle d'audience.
On est rendu au quatrième tour ... l'infirmière m'appelle. Il ne se passe plus rien dans ma tête, je suis résignée car peut importe mes souhaits, ça se passe jamais comme ça. La chirurgienne m'annonce que tout est beau. Yéééééééé ... et on commence la reconstruction. Elle me demande si je veux voir le trou avant de recoudre ma face. Je prends le miroir.... oufffff, je ne pensais pas que ce serait aussi gros. J'ai peur que mon oeil et mon sourcil soient déphasés, que j'me retrouve avec un oeil sur la joue. Alors la gentille doctoresse ne dit qu'elle va me faire un lambeau ... QUOI !!! PAS UN LAMBEAU ! je viens de passer 7 semaines d'horreur avec un lambeau, j'ai atteint mon quotta ...
J'veux pas pleurer, j'me retiens de toutes mes forces. Elle m'explique qu'elle va prendre un lambeau de peau mais qu'elle va le recoudre tout-de-suite donc il ne me pendra pas dans le visage. Ça me rassure juste un peu mais ça ne durera pas longtemps... elle m'avise qu'elle doit couper une couette de mes cheveux car les points de suture vont se rendre jusque dans le cuir chevelu à la hauteur de l'oeil. Après avoir pris sa voix de p'tite maman, elle me parle doucement près de mon visage pour me décrire se qu'elle doit faire. Elle doit faire le premier point de suture dans le coin externe de l'oeil et se rendre jusque dans mon cuir chevelu puis remonter par le côté du visage jusqu'au milieu du front !!!
J'entends click click ... et je vois la poignée de cheveux dans ses mains. Je prends une grande respiration. Je me sens pris avec mes bras en dessous du champ stérile. Elle étire la peau près de mon oeil et commence son premier point de suture dans l'oeil. J'ai l'impression que je vais avoir l'air d'une vietnamienne mais juste d'un bord.
Je ne m'attendais pas à ça. Pas du tout du tout. Jamais de ma vie. Jamais dans cent ans. J'écoute la chirurgienne discuté avec l'infirmière pendant qu'elle me fait les points et moi, j'me parle très fort dans ma tête, j'veux pas pleurer, faut pas que je pleure ... la doc est en train de me coudre l'oeil. Je me sens laide, j'me sens défigurée, je sens que mon positivisme a pris le bord à jamais et que je ne m'en remettrai pas. Il me passe par la tête qu'en ce moment je suis au 10e étage et j'ai une envie soudaine d'aller me jeter en bas. L'infirmière quitte la salle, je suis seule avec la chirurgienne.
Elle me dit ... " Hélène, je l'sais que tu te retiens pour ne pas pleurer, faut pas faire ça, laisse-toi aller". J'ai éclaté ... j'ai pleuré toutes les larmes de mon corps ... La chirurgienne a appelé une infirmière pour m'essuyer les yeux car je n'ai plus aucun contrôle, un vrai tsunami. L'infirmière a du rester tout le temps de l'intervention juste pour éponger mon déluge. J'ai eu envie de lui dire d'arrêter de coudre et de m'euthanasier à la place. J'en ai marre, j'en ai assez, y'a toujours ben un maudit boutte. Moi j'appelle ça de l'acharnement thérapeutique. À la fin, ma gentille docteur m'a donné un miroir. J'ai un record guiness de points de suture mais mon oeil est enligné, ça me rassure. Elle me dit que la cicatrice va se fondre dans mes pattes d'oie (pas certaine que c'est un compliment ça). D'ici 6 mois
à 1 an, ça ne paraitra presque plus. On m'a dit ça aussi pour mon nez et mon front. Mais j'ai une vie d'ici là et va falloir que je trimballe mes coutures.
J'ai pleuré jusqu'à la maison. Mon chum me prend dans ses bras, il me dit qu'il m'aime. Je sens tellement dans ses yeux que rien n'a changé, qu'il va m'aimer peut importe la face que j'aie. Mais moi si je n'arrive pas à m'aimer ?
À 17 heures j'ai senti un déclic dans ma tête. Je suis allée voir mon chum et je lui ai annoncé que la drama queen venait de prendre le bord. J'ai fini ma dépression, ça va mieux. On va prendre ça un jour à la fois. Mes dépressions ne durent jamais longtemps. Je capote encore mais j'arrive à me parler, à me dire que c'est temporaire. Qu'un jour ça va s'atténuer, comme ma peine.
Vous voulez voir ce que j'ai l'air ce matin ...
Ça prend de l'imagination pour se dire que ça va aller mieux. Mais toutes mes cicatrices vont guérir en même temps ... mercredi soir, je vais enlever le pansement. ben hâte de voir ça !